Local Gestures
because the personal is cultural
Un corps. Un corps nu. Le corps d’une femme, nu. Le corps de Sofia Asencio. Le plancher, noir, reflète l’image de la danseuse. Ne parlons pas d’un double. Parlons plutôt de la faculté unique que l’être humain possède de pouvoir se reconnaître. Parlons du moi. Assise, les jambes entrouvertes comme deux arcs, elle fait tourner son corps. Il est exposé. Il roule jusqu’à ce qu’elle sorte du plancher, qu’elle se heurte à la première rangée de spectateurs, des trois côtés de la scène. Reconnaître l’autre. Le corps nu est vu. La conscience. La danse est une forme d’exploration, lente et délibérée. Chaque mouvement est isolé; chaque position, aussi. Dans cette immobilité transitoire, le corps s’inscrit dans l’histoire de l’art. On pourrait y voir un sujet de peinture; la vulnérabilité du nu, exposée. Tout ceci se déroule dans le silence. Notre corps est plus bruyant que le sien. On s’entend respirer. On s’entend avaler. On s’entend bouger. Son corps nu est vu. La conscience. Asencio s’assoit sur un banc, toujours nue, et nous offre un mini-cours sur la métaphysique d’Aristote. Malheureusement, sa parole est moins délibérée que son mouvement. Elle trébuche sur les mots, les répète pour tenter une correction. La ponctuation semble répandue de façon arbitraire. Difficile de comprendre. Elle quitte la scène pour nous laisser observer un foulard accroché à un ventilateur danser sur la musique de Nina Simone. (Les chorégraphes ont vraiment une obsession avec cette chanteuse.) De par sa simplicité, Introduction à l’introduction est le genre de spectacle qui devrait naturellement me plaire. Toutefois, il y a une lacune qui empêche l’œuvre de s’imposer. Peut-être que le solo sur plancher-miroir nous rappelle Lanx de Cindy Van Acker, qui était beaucoup plus dense. Peut-être que le mini-cours devrait précéder la danse, comme l’avait fait Jody Hegel et Jana Jevtovic avec The Parcel Project, performance toute aussi simple, mais beaucoup plus rafraichissante. Close, but no cigar. 6-8 novembre à 20h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$
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J’ai toujours tenu que 50% d’un spectacle de danse n’en tient qu’à l’éclairage. It can make or break a show. Avec Prismes, le chorégraphe québécois Benoît Lachambre y va à fond dans l’exploration de la lumière et des couleurs qu’elle révèle. On se doit donc de mentionner le travail vital de son éclairagiste, Lucie Bazzo. En début de spectacle, les six danseurs de Montréal Danse approchent les spectateurs pour leur faire subir des tests visuels. Ensuite, ils observent et commentent des jeux de lumière sur scène. Remarquez comment le même mur semble passer du rose au mauve lorsqu’on tamise la lumière. Si le spectacle ne fonctionnait qu’à un niveau cognitif, ces explications pourraient être agaçantes. Toutefois, Prismes fonctionne primordialement au niveau sensoriel. Aucun mal à décrire un coucher de soleil; les mots ne peuvent ruiner l’expérience de l’image. Tout ce que les interprètes font, c’est dire, « Regardez ici. Portez attention à ceci. » C’est ce que toute œuvre d’art bien définie fait : concentrer notre attention. Dans cet univers chromatique, les interprètes épousent des poses statiques en portant d’abord de longues robes colorées (roses, vertes, ou mauves) et des casques de construction jaunes. Ils oscillent entre être des sujets pour un peintre ou des mannequins de vitrine. Les changements de lumière, rapides, font danser leurs ombres avant qu’eux-mêmes ne bougent. Les danseurs demandent à Manuel Roque d’épouser une forme plus féminine, avec plus de courbes. Et il le fait. Cette juxtaposition des couleurs et des genres crée un lien entre les deux. Tout comme le même mur peut passer du rose au mauve, le même corps peut paraître plus masculin ou féminin d’un moment à l’autre. Le genre n’est pas naturel. Il est fluide, malléable. Il n’est que performance. (On pourrait ici penser aux pièces du chorégraphe George Stamos.) À un moment, les trois danseuses portent des soutiens-gorge dont les mamelons sont des clignotants lumineux rouges. Le genre est une question d’emphase. Regardez ici. « La représentation juste n’est pas nécessairement vraie, » nous dit Sylvain Lafortune. « Elle est fonctionnelle. » Pendant ce temps, Peter Trosztmer fait son striptease en arrière-scène, lui mettant l’accent sur sa musculature. Parfois, les corps parviennent même à contourner le genre en se déshumanisant, en se bestialisant. Le corps nu qui devrait nous paraître si familier devient étrange, nous rappelant les films de body horror ou de science-fiction où la chair échappe au contrôle de l’individu. (On pourrait ici penser aux pièces du chorégraphe Jean-Sébastien Lourdais.) D’un spectacle à l’autre, on ne sait à quoi s’attendre de Lachambre. Ce peut être en partie dû aux nombreux artistes avec qui il collabore. Je crois toutefois que c’est aussi dû aux contraintes scénographiques qu’il impose à chaque nouveau spectacle. Dans Forgeries, Love and Other Matters (avec Meg Stuart), le plancher était en vallées et collines, dur à naviguer. Dans son dernier spectacle en tant qu’interprète, Snakeskins, il s’était offert une immense toile d’araignée dans laquelle il pouvait être suspendu. Dans Prismes, deux poutres verticales entrecroisent deux poutres horizontales, une structure dans laquelle les interprètes s’immiscent souvent. Les danseurs doivent demeurer en équilibre sur cette structure ce qui a l’effet d’aplatir leurs corps, qui deviennent presque bidimensionnels en apparence. D’un moment à l’autre, les corps passent d’acrobaties de cirque ou de striptease à des figures géométriques, de poses de breaking à des hiéroglyphes, du planking au mime. Avec les contraintes que cette structure impose aux corps et la palette de couleurs vives que Prismes nous imprègne dans la rétine, il y a peu de doutes que c’est un des spectacles dont les images continueront de nous hanter. 16-18 octobre à 20h; 19 octobre à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 515.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$ « Sonnez, grelots; sonnez, clochettes; sonnez, cloches! Car mon rêve impossible a pris corps et je l’ai Entre mes bras pressé : le Bonheur, cet ailé Voyageur qui de l’Homme évite les approches, - Sonnez grelots; sonnez, clochettes, sonnez, cloches! Le Bonheur a marché côte à côte avec moi; Mais la FATALITÉ ne connaît point de trêve : Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve, Et le remords est dans l’amour : telle est la loi. - Le Bonheur a marché côte à côte avec moi. » -Paul Verlaine, « NEVERMORE » L’extase de la naissance ne peut être soutenue indéfiniment. Toute nouvelle expérience, renouvelée jusqu’à ce que renouvellement ne soit que répétition, doit éventuellement se fondre dans la normalité comme tout autre chose, incluant le bonheur. Avec PLOMB, la chorégraphe Virginie Brunelle s’entoure de neuf danseurs pour explorer le thème de l’inévitabilité du deuil; car même le plomb léger propulsé hors du fusil, ayant atteint sa proie en vol, doit retomber au sol. Gravité oblige. Le sourire, aussi spontané soit-il, peut bien rayonner de positivité; tentez de le conserver et il devient une pose de yoga pour la face, le naturel devenant artificiel, un exercice d’endurance voué à l’échec. Par chance, les caméras s’éteindront éventuellement pour que l’animateur de jeu télévisé puisse redevenir humain. Même les gestes amoureux se répètent jusqu’à monotonie. Le seul moyen de réanimer le couple, temporairement, est d’avoir recours au drame. Sex, breakup sex, breakup. La gestuelle de Brunelle combinée à son exploration du couple hétérosexuel la pousse dans un carcan dépassé. Les hommes dominent physiquement, supportant les femmes-marionnettes. La seule possibilité pour les femmes d’être en contrôle est d’avoir recours à la séduction. Toutefois, la chorégraphe ratisse plus large dans sa thématique cette fois-ci, signe de maturation. Une figure paternelle en mode quasi-Alzheimer trouve tellement de problèmes qu’il éprouve de la difficulté à terminer une seule phrase. Un bouquet de mariage peut se transformer en fleurs pour des funérailles; la femme aimée, en poussière. La table à souper qui nous rassemble dans le temps nous sépare à la fois dans l’espace. C’est sur ce fil tendu que l’œuvre de Brunelle repose. 18-20 septembre à 20h; 21 septembre à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiant, 30 ans et (-) : 20$ Salves, Maguy Marin (Danse Danse) Septembre 26-28 Because last time Marin was in town, it was back in 2007 with Umwelt, which still holds as one of the best shows performed in Montreal this past decade. Prismes, Benoît Lachambre (L’Agora de la danse) October 16-19 Because Lachambre made quite the comeback last year with Snakeskins, his best show in years. Henri Michaux: Mouvements + Gymnopédies, Marie Chouinard (Danse Danse) October 31-November 2 Because Chouinard’s last show, LE NOMBRE D’OR (LIVE), is the one that has had the biggest impact on me since performer Carole Prieur first translated Henri Michaux’s drawings into dance back in 2005. We can only imagine what it will be like when all the dancers of the company will follow in her footsteps. Cuire Le Pain De Nos Corps, Sarah Dell’ava (Tangente) November 21-24 Because Dell’ava is probably the most intelligent mover in Montreal. LA VALEUR DES CHOSES, Jacques Poulin-Denis (Lachapelle) January 21-25 Because Poulin-Denis manages to expose the absurdity of human life while remaining funny and touching. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) January 30-February 2 Because Kefirova is one of the few choreographers in Montreal who knows how to deal with video in live performance. The adaptation project, Michael Trent (L’Agora de la danse) February 12-14 Because the last time Trent was in Montreal, he surprised everyone by being as conceptual as he was playful. Reviens Vers Moi Le Ventre En Premier, Annie Gagnon (Tangente) February 27-March 2 Because she’s one of the few choreographers in Montreal who’s not afraid to be serious. Mayday remix, Mélanie Demers (Usine C) March 12-14 Because, with just a few works, Demers has managed to establish herself as one of the most consistently good dancemakers in Montreal and it will be a treat to see her revisit her past works before moving on to the next artistic stage in her career. Mange-Moi, Andréane Leclerc (Tangente) March 20-23 Because Leclerc’s contortionism isn’t just a circus trick; it’s a philosophy that allows her to approach and explore space differently. http://dansedanse.ca/DDA_1314/en/ http://www.agoradanse.com/en http://tangente.qc.ca/ http://lachapelle.org/ http://www.usine-c.com/ “I bring you somewhere.” If you’re going to follow her, truly follow her, you need to trust her. Choreographers Chiara Frigo (Italy) and Emmanuel Jouthe (Québec) might hold hands with fingers interlaced, but it’s the only codified gesture you will find in When We Were Old. It is their starting point, a sign of trust and desire for true connection, from which anything can happen. Their relationship and the movements that stem from it are not predetermined. They are not playing roles. Their meeting is perpetual, occurs in each moment, like when they let go of each other, evolve independently, find each other again, and everything is to be done again. As a result, their meeting feels sincere. It also allows the performers to bypass all kinds of contemporary dance clichés that often emerge as soon as a woman and a man are onstage. Their duet is neither coupley, nor antagonistic. It just feels honest. It is no coincidence that, after the show, my date told me, “I liked that she was never weak.” Jouthe and Frigo are trying to build something together and, like the tree trunks they use as building blocks for her to stand on, the structure might end up making things shakier than no structure at all. And that’s okay. That’s the risk one takes in building a relationship or a dance. Even the Marley that covers the floor is loose, not taped down, and can be unrolled or rolled up, allowing change and surprise. Beneath, a new floor might be revealed, or even a new costume. It is as malleable as their relationship. Her movement is more spastic; his, more fluid and smooth. As they hover from side to side in opposite directions, they only ever meet for a brief moment in the middle. And that’s enough. By the end, it might even allow them to transform into dinosaurs among mountains made of chairs. It all depends on whether you trust them enough to bring you there. April 24-26 at 8pm Agora de la danse www.agoradanse.com / www.tangente.qc.ca 514.525.1500 Tickets: 28$ / Students or under 30: 20$ Si vous mettez une perruque, vous pouvez tout faire. Si vous ajoutez des lunettes de soleil, vous pouvez dépasser toutes les limites de ce qui est considéré comme un comportement acceptable. Le déguisement sert à camoufler certains aspects de soi pour permettre à de nouveaux d’émerger. Il en est de même de l’art. L’art est un mensonge qui révèle la vérité, Picasso a dit. Dans Pleasure Dome, la chorégraphe Karine Denault et les cinq autres interprètes (Dana Gingras, k.g. Guttman, Jonathan Parant, Alexandre St-Onge, Alexander Wilson) se cachent sous des perruques pour pouvoir aller au-delà du préconçu. Dès que l’on entre dans la salle de l’Agora de la danse, on le remarque; ce sont les trois danseuses qui se trouvent aux consoles de son, alors que les musiciens sont étendus sur le plancher. Après cette inversion des rôles, les interprètes marchent autour de la scène à quatre pattes. Certains se lèvent pour les guider pour un moment, pour ensuite retourner sur leurs quatre pattes et suivre le troupeau à nouveau. Les paramètres des rôles demeurent fluides, malléables, comme dans Cesena d’Anne Teresa De Keersmaeker. En laissant libre cours à leur id, les interprètes abandonnent leur ego, phénomène rare en performance scénique, et donc rafraichissant. En début de spectacle, Denault demeure coucher sur le plancher, s’efface. On avait déjà aperçu cet aspect de la chorégraphe dans son dernier solo, Not I & Others. Le plaisir, c’est aussi l’abandon de l’idéal – virgule – de la beauté. La beauté, si superficielle peut-elle être, pèse tout de même lourdement; le plaisir, quant à lui, est léger, comme les interprètes, qui semblent parfois flotter au-dessus de la scène, ou tout du moins au-dessus de nous, spectateurs assis directement sur le plancher. De façon surprenante (mais qui rejoint encore Cesena), le plaisir, aussi communautaire soit-il, demeure solitaire. Les interprètes se touchent rarement, mais le besoin d’une collectivité demeure nécessaire et indéniable. À intervalles réguliers, les interprètes retournent à un état contemplatif, comme s’il y avait toujours la possibilité d’un retour en arrière, d’un recommencement si le résultat est jugé insatisfaisant, à la manière d’un jeu vidéo. Rien ne doit être accepté comme étant définitif. Pleasure Dome aussi semble transitoire. Si on revenait la semaine prochaine, on ne serait pas surpris que ça l’ait une toute autre allure. Subjectif subjectif subjectif : j’ai une prédisposition pour un éclairage scénique minimale. Ça dramatise l’espace, surtout quand on veut tellement voir ce qui se passe. Je crois qu’ici aussi ça aurait pu avoir des effets bénéfiques. Ça aurait accentué l’espace entre les spectateurs et les interprètes; car malgré notre proximité (assis tout autour de la salle, nous sommes tous au premier rang), nous ne faisons pas partie de cet univers de plaisir. La distance virtuelle aurait souligné l’aspect participatif du plaisir; on ne peut pas compter sur les autres pour nous le transmettre. Le pleasure dome aurait paru tel le saint graal, une destination à atteindre, si on le désire. (J’aurais voulu qu’un des interprètes me donne la main, me donne la permission d’y entrer.) La plus grande force de Pleasure Dome est son refus du symbolique. Tout comme on ne peut parvenir au plaisir par un raccourci, le sens d’une œuvre d’art ne s’impose que s’il émerge de lui-même. C’est ici le cas. 6-8 février à 20h & 9 février à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Réduits : 20$ Quel est notre rapport à la chose vidéographique? Avec l’omniprésence du médium, qui ouvre et clôt son nouveau spectacle, la chorégraphe Marie Béland se met les deux pieds dans la question. Une création aux trois couleurs cathodiques, en trois épisodes – peut-être le même – utilisant principalement trois médiums différents. BLEU, ou la vidéo D’abord jeu d’ombres – et donc nécessairement de proportions et perspectives – qui s’entremêlent ensuite avec la projection vidéo live des trois danseurs : Simon-Xavier Lefebvre, Marilyne St-Sauveur, et Ashlea Watkin. C’est plus qu’une rencontre des éléments; C’est le réel et l’art(ificiel) qui effacent les lignes, se fondent ensemble, et s’influencent jusqu’à ce qu’on ne sache plus lequel des deux l’on regarde. Les interprètes font dans le jeu d’acteur de Télé-Québec (même si Watkin, comme dans n’importe quel autre spectacle de danse dans lequel elle se trouve, est toujours la meilleure actrice). De façon appropriée, ils sont vêtus de couleurs primaires et secondaires (rouge, bleu, jaune, vert), comme s’ils étaient des adultes retardés dans une émission pour enfants. Leurs corps se découpent sur fond noir, ce qui n’est pas sans rappeler certaines des premières vidéos d’art qui servaient souvent à capter des performances. Dans une galerie, le blanc est l’espace vierge; en vidéo, comme au théâtre, c’est le noir. Devant des images d’Elvis (le vrai ou un imitateur? Il y a une différence?) et d’Arnold à l’ère de Commando, leurs corps se dédoublent en formations psychédéliques, tel une vidéo de Nam June Paik qui s’extase à l’idée du global village. Bref, le genre de chose dont la seule chance de passer à la télé serait sur PBS. Ça veut être bon, mais c’est pas sexy du tout. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. VERT, ou la marionnette La partie la plus faible du spectacle, heureusement camouflée dans le milieu, où trois pompons aux couleurs de la pièce deviennent des marionnettes, les alter egos des interprètes. La performance dansée vient rejoindre le jeu d’acteur, comme si Béland a dicté aux interprètes, « Faites comme si vous étiez de mauvais danseurs. » Les idées demeurent intéressantes, mais leur mise en scène est moins convaincante. ROUGE, ou le théâtre Et l’histoire se répète, beaucoup plus verbale. Les échanges entre les interprètes glissent entre l’emphatique et les petites cruautés, et peut virer dans le non-sens à n’importe quel moment. Avec le bon accent, « Cat a va capoter! » peut devenir une phrase pseudo-italienne. Devant les images qui déferlent (de The Bold & The Beautiful au hockey en passant par The Price Is Right), l’absurdité de l’humain dans la petitesse de ses intrigues inévitablement dramatisées parce que justement futiles se dessine. Béland conserve son sens de l’humour mais – surprise! – BLEU—VERT—ROUGE est aussi étrangement opaque, parfois aussi illisible que le texte confus vocalisé par les interprètes. C’est sûrement l’un des aspects les plus intrigants de la pièce (et dans le parcours de la chorégraphe). Pour faire compétition à l’image télévisuelle et cinématographique, est-ce que la danse et le théâtre doivent eux aussi faire dans le chaos qui dégénère jusqu’à la folie schizophrénique? Pour retenir notre attention, est-ce que tout doit maintenant se terminer dans la violence? 23-25 janvier à 20h & 26 janvier à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Réduits : 20$ Qui ne voudrait pas d’une toile d’araignée? Je ne parle pas dans le coin du plafond de sa chambre à coucher, mais bien comme chambre à coucher. Ou sur scène pour une performance. C’est le fantasme scénique que le chorégraphe Benoît Lachambre s’est permis avec Snakeskins, un quasi-solo qu’il présente en première nord-américaine cette semaine à l’Usine C. De minces câbles s’échappent d’une structure métallique en arrière-scène et s’étendent vers le public. À leur point de rencontre l’œil est incapable de lire l’abondance de lignes qui se confondent. Il se doit de voyager constamment vers l’extérieur pour ressaisir la structure dans son ensemble. Lachambre se trouve à ce centre visuellement saturé, suspendu à la structure métallique par des bandes de cuir attachées au cou de son harnais. Ainsi, il peut se pencher vers l’arrière sans jamais tomber. Il flotte donc au-dessus du sol, les pieds ancrés sur un tuyau, ses bras libres de se dandiner. C’est la rencontre du kink et de l’art. Le danseur offre une performance sentie comme très peu d’interprètes peuvent se le permettre (Gillis, Prieur). Peut-être ceux-ci peuvent se permettre ce genre de performance car ils sont convaincants parce que convaincus. Il y a quelque chose à dire pour l’expérience. Le corps de Lachambre en entier semble réagir à la musique live de Hahn Rowe, être secoué par elle. Le musicien réussit même à faire vibrer la salle en agitant à peine une feuille de métal devant un microphone. Avec abandon, Lachambre se lance dans sa toile d’araignée et se trouve rescapé de sa chute. Les fils le supportent, mais sont difficiles à naviguer. Il doit se battre pour demeurer en équilibre alors qu’il escalade leur verticalité. S’en suit une longue respiration (les pièces de Lachambre en sont souvent saupoudrées) où le chorégraphe abandonne sa toile pour s’adonner à la performance en avant-scène. « C’est le temps d’une transition! », il s’exclame, la tête cachée sous un ballon de basket muni d’un micro. Mais c’est bien dans l’exploration de son dispositif scénique que le spectacle trouve sa force. Vers la fin du spectacle, les cordes se relâchent et Lachambre les secouent vigoureusement. Dans la noirceur, des faisceaux de lumière fragmentent les fils en points lumineux dansant. Et, sur les bras, les poils se dressent. 10-12 octobre à 20h Usine C usine-c.com 514.521.4493 Billets : 28$ / 30 ans et moins : 22$ Peu de chorégraphes au Québec ont un style aussi unique que Daniel Léveillé. Comme on peut le voir dans le solo d’Emmanuel Proulx dans la nouvelle pièce Solitudes Solo, Léveillé élargit quelque peu son vocabulaire, mais conserve une cohérence à travers l’isolation des mouvements. Le chorégraphe pousse toujours ses interprètes aux limites de la difficulté, là où la grâce n’est plus dans l’air de la facilité, mais dans l’effort requis pour tout simplement se tenir debout. Dès le premier solo, le danseur Justin Gionet doit sauter le plus loin qu’il peut d’une position statique à une autre. La distance couverte est minimale malgré l’effort déployé. Le poids de l’interprète se trouve aussi souvent ancré dans un seul pied alors qu’il se démène pour demeurer en équilibre. Suit Manuel Roque, qui épouse à son tour des positions empreintes de symétrie. Entre chacune d’entre elles, le corps s’immobilise, respire. D’une position statique, il saute et exécute un tour complet. Il y avait un bail que Léveillé avait fait porter des chandails à ses danseurs. Avec ce nouveau choix, c’est la musculature des jambes qui est soulignée. Avec Gaëtan Viau, c’est dans les positions accroupies que le travail des cuisses peut être remarqué. À l’opposé, ses membres s’étirent vers les quatre coins de la salle, le transformant en homme-étoile. Au retour de Gionet, on remarque qu’il est difficile pour l’interprète de retrouver son équilibre à la fin d’un mouvement précisément parce que la fin demandée est si abrupte. Aussi, on trouve ici moins d’humour fortuit. Avec Lucie Vigneault, on retrouve la géométrie dans la création des formes tracées par le mouvement. Par contre, on aperçoit ici une nouveauté pour Léveillé : des expressions faciales. Il arrive même que Vigneault ait l’air d’être sur le bord d’un précipice. C’est sur la musique de Bach que ces soli s’enfilent, sauf pour le dernier, où Viau doit se contenter d’un cover folk pop merdique de « Somewhere Over the Rainbow » d’Israel Kamakawiwo’ole, comme si Léveillé voulait prouver que c’est de la musique classique dont sa danse a besoin. Et il a raison. www.agoradanse.com www.danielleveilledanse.org Fight your partner to the death. If you win, they can always be replaced anyway. It’s a feeling that can come from living in a city with an endless supply of single people, or from witnessing a dance show with an unusually high number of performers: twenty-one of them in the case of Cas Public’s Duels, which includes the entire company, plus a few choice guests. Helen Blackburn and Pierre Lecours share choreographing duties for the twenty short pieces that make up the programme. Despite the possibilities that such a high number of performers and pieces offer, the numbers are often repetitive. The opening prologue sets us up for what can be expected for most of the night: a man and a woman, the latter fragile, on pointes, needing the help of the man to support her. When she loses the duel, another man picks her up from the floor, less from compassion than opportunism. It’s not the first time that Cas Public flirts with gendered violence. It was also at the core of Suites Cruelles, their last show not aimed at children. There seems to be a tension between wanting to deal with the world as it is, recognizing that sexism still exists, and wanting to transcend these confines. Unfortunately, the latter happens too rarely, though it does offer Duels its most invigorating moments. In the second duet, Blackburn herself dances with Sébastien Cossette-Masse, a younger male dancer, and it begins and ends with her lifting him and carrying him a few steps across the floor. Beyond the pleasure of seeing Blackburn, who usually sticks to the role of choreographer, onstage, there is also the satisfaction of witnessing this reversal of typical ideas surrounding age and gender. There is but one duet that involves two women (Geneviève Bolla and Daphnée Laurendeau) and one that involves two men (Lecours and Simon-Xavier Lefebvre). For better of for worse, they don’t look much different from the rest. The most subversive moments occur in straight couplings, like when Daniel Soulières and Merryn Kritzinger both lift each other off the floor independently of their gender or age difference. Or in the duet with relative newcomers, choreographer Virginie Brunelle and dancer Alexandre Carlos, where the overall violence of the show finally lets up to give us something refreshingly gentler, with little physical contact. However, the duel ends with Brunelle being carried off by another man with her legs wide open as her partner goes on to dance with another woman. Like what women can always be replaced. A couple of men do figuratively put themselves in women’s shoes as they pull off a few ballerina steps. Soulières, lifted by three other men, dances above the ground as if he were lighter than a feather. Cai Glover, in his duet with Laurendeau, has a few brief moments on the tip of his toes, as though on pointes. After all the ass slapping that women in the show have to endure, each time with the sting of female objectification, it is also a mild compensation when actress Sylvie Moreau gives the same treatment to Carlos. For the most part, Duels bathes in the themes that might be expected given the title of the show: couples, fighting, mirror images, and – though dance critics see sex whenever two dancers happen to touch one another – indeed, sex. As the motionless bodies pile up onstage, it becomes clear that, as Pat Benatar’s catchy anthem goes, love is a battlefield. Duels 12-14 & 19-21 September at 8pm / 22 September at 4pm Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Tickets: 32$ / Students: 24$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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